Soum-Soum est le premier duo lauréat du programme WomenBeats pour la 4ème édition qui a eu lieu d’octobre 2022 à février 2023. Après les avoir accompagnées durant 4 mois, nous avons fait le point avec elles sur leur projet, leurs places d’artistes, leurs inspirations, et leurs futurs projets.
Improvisant des voyages sonores mêlant musiques électroniques et percussions live, le duo hybride travaille actuellement sur son premier EP.
INTERVIEW LAURÉATES WOMENBEATS
SOUM-SOUM, DUO LAURÉAT WOMENBEATS 2022 : POTION DE TRANSE ÉPICÉE
par Charlotte De Kerros • 4 juillet 2023
Soum-Soum est le premier duo lauréat du programme WomenBeats pour la 4ème édition qui a eu lieu d’octobre 2022 à février 2023. Après les avoir accompagnées durant 4 mois, nous avons fait le point avec elles sur leur projet, leurs places d’artistes, leurs inspirations, et leurs futurs projets.
Improvisant des voyages sonores mêlant musiques électroniques et percussions live, le duo hybride travaille actuellement sur son premier EP.
Illustration de couverture par Angelo Mucciante
Alice, Mathilde, vous avez été le premier projet duo lauréat du programme d’accompagnement WomenBeats lors de la 4ème édition. Pouvez-vous nous raconter la genèse du projet Soum-Soum ?
Alice : Soum-Soum est né en 2021 de notre rencontre avec Mathilde. On s’est croisées dans un local de répétition, et une dizaine de minutes plus tard, on est parti en fou rire parce qu’on oscillait la tête toutes les deux sur le son qui passait. Le lendemain, par hasard, on s’est retrouvées à une soirée dans un appart où je mixais. Il y avait un mini djembé qui traînait sur une étagère, à un moment, j’entends une ligne de percus qui n’était pas dans la track, je lève les yeux et je vois Mathilde avec son grand sourire en train de jouer. Peu de temps après, on a remis le couvert, pour une première expérimentation devant un petit public, en soum-soum entre deux confinements.
Mathilde : Quand on s’est rencontrées, on avait chacune l’envie de travailler une musique hybride – entre sonorités électroniques et éléments acoustiques/organiques – en binôme avec une consœur. De mon côté, je songeais à rencontrer une DJ avec qui collaborer et travailler un projet de recherches musicales. On a réuni nos deux univers et l’on a mélangé le tout autour d’un format DJ set hybride. La rencontre humaine et musicale s’est tissée naturellement et l’on a eu envie d’aller plus loin.
Pourquoi avoir postulé et qu’attendiez-vous chacune du programme ?
M : C’est Alice qui est tombée sur l’appel à projets et m’a proposé qu’on postule. J’ai trouvé que le programme faisait sens avec notre identité et notre développement.
C’était aussi l’occasion de structurer le projet, de finaliser notre première démo et de le présenter à des professionnel·les dans un espace qui nous semblait bienveillant, où on pouvait faire confiance. La démarche nous a engagées à professionnaliser le projet.
A : On s’est dit que ce serait une chance d’approfondir notre connaissance de l’écosystème musical, de rencontrer des interlocuteur·trices safe qui pourraient nous aiguiller sur le développement du projet. Au-delà du fait que ce soit un accompagnement dédié aux femmes et aux personnes non binaires, on était aussi très enthousiasmées par le côté personnalisé du dispositif. On a réellement eu la sensation d’être comprises et écoutées et que tout ce qui nous a été proposé au cours de ces quatre mois riches et intenses avait été pensé spécifiquement par rapport aux besoins de notre projet.
Cet accompagnement est dédié aux musicien·nes afin de visibiliser les artistes femmes et personnes non binaires. C’était une condition importante pour vous ?
M & A : Nous sommes toutes les deux professionnelles de la musique et, de fait, confrontées aux freins et aux problématiques concernant les femmes et les minorités de genre. Nous avons pris conscience, chacune dans nos parcours respectifs, que nous participions à la représentation des femmes sur la scène musicale actuelle. Ça faisait donc sens d’inscrire Soum-Soum dans un réseau professionnel sensibilisé et qui œuvre pour plus de parité. Il est aussi question de faire évoluer le projet dans un réseau safe. Ce que l’on souhaite, c’est s’entourer de professionnel·les qui croient en notre musique et qui sont motivé·es pour porter le projet avec nous.
Crédits : Théo Pierrel
Quelles sont les influences dont est infusée votre musique ? Quelles sont les sonorités que l’on va retrouver dans votre future et première création musicale ?
A : Musicalement Soum-Soum c’est la rencontre d’une pluralité de grammaires percussives traditionnelles (musique mandingue, tziganes, latines) propres au parcours de Mathilde et de mes influences électroniques (dub techno, techno, ambiant, dark disco…). On secoue le tout et ça fait soum-soum.
Un mélange entre transe ensoleillée, nappes atmosphériques, basses acides et beats techno. Nous travaillons également à partir de field recordings qui viennent nourrir les textures de nos recherches.
Ces lives hybrides et improvisés mêlant DJ set et instruments acoustiques (congas, djembé, cymbales, handpan, caisse claire et tom floor…) nous ont permis d’explorer des registres diversifiés tout en construisant des « histoires » à travers les voyages sonores proposés.
M : Les influences sont très éclectiques et cette rencontre de nos univers a ouvert un grand terrain de jeu. On a travaillé dès le départ autour de la dimension live et de l’improvisation. Notre expérience de la scène ensemble nous a fait développer un langage dans cette rencontre entre acoustique et électronique. Il y a aussi une grosse influence rock commune, que l’on a découverte tardivement, mais dont on peut percevoir des traces dans nos productions en cours et nos lives.
Depuis quand faites-vous de la musique et d’où vient votre apprentissage de celle-ci ? (Racontez-nous chacune votre parcours)
M : Je fais de la musique depuis l’âge de 7 ans. J’ai joué dans une troupe de percussions pendant 5 ans, dont la musique était principalement basée sur le répertoire du maître djembefola Mamady Keita. Par la suite, j’ai démarré la batterie et je me suis orientée vers du rock fusion progressif. Puis, j’ai continué mon apprentissage avec la rencontre du musicien Ersoj Kazimov, qui m’a appris la musique traditionnelle de l’Est, comme un écho à mes origines. J’ai décidé de me professionnaliser à mes 30 ans. Aujourd’hui, je joue dans différentes formations musicales qui ont en commun le mélange entre musique traditionnelle et actuelle.
A : J’ai commencé la musique lorsque j’étais adolescente avec la guitare et le chant. Dans le même temps, j’ai commencé à fréquenter la scène électronique strasbourgeoise. À l’origine, j’ai une formation de metteure en scène que j’ai poursuivie avec une certification d’ingénieure son et lumière. Ce qui m’attirait dans la mise en scène, c’était notamment le dialogue entre les différents médiums artistiques – corps, espace, lumière, voix, son… – l’agencement de signes multiples pour créer des tableaux vivants. Dans la même lignée, j’ai co-fondé un collectif pluriartistique, l’Azurium, au sein duquel on crée des œuvres-évènements avec des artistes d’horizons divers. Ce regard pluridisciplinaire nourrit profondément mon rapport à la musique.
En 2018, j’ai commencé à mixer sous le pseudonyme de Bobbi Watson, une référence à la cantatrice chauve d’Ionesco. Je fais également de la MAO depuis 3 ans et j’ai réalisé depuis plusieurs créations sonores pour du théâtre, de la danse et un court métrage qui ne devrait pas tarder à sortir.
Comment composez-vous votre musique à deux aujourd’hui ?
M : Nous abordons la composition musicale comme une recherche exploratoire. Nous nous inspirons souvent de l’expérience vécue ou partagée que l’on retranscrit ensuite en musique. On définit des lignes directrices de création et on travaille sur différents échantillons de matière sonore qu’on sculpte étape par étape.
A : On a des processus créatifs différents à chaque fois (on adore inventer des processus créatifs).
Le point de départ peut être multiple. Ça peut partir d’un imaginaire tout comme d’une envie plus spécifique, par exemple d’explorer un instrument, un rythme… Parfois, on se fixe des contraintes (un bpm, une gamme…), on explore chacune de notre côté, on met en commun nos recherches, on les fait dialoguer, et comme ça, petit à petit, on construit le squelette d’une composition. On écoute aussi beaucoup de musique ensemble, ça contribue à construire notre vocabulaire commun.
Crédits : Julien Laulom
Comme vous le savez, l’accompagnement prend en compte les problématiques rencontrées par les femmes (absence de modèle féminin, manque de soutien, d'accompagnement, d’entourage, environnement sexiste etc) via l’organisation de coaching spécifiques, la sélection des partenaires, les sujets abordés, etc. Quel était votre regard par rapport à tout ça avant l’accompagnement, avez-vous conscience de ces freins ? Avez-vous déjà été confrontées à certains d’entre eux dans votre carrière avant ?
A : J’ai pu rencontrer ces situations en évoluant dans le milieu artistique et technique, d’ailleurs plus dans l’artistique que dans la technique, ça m’est arrivé par exemple que l’on questionne mon choix de matériel. D’une certaine façon, je crois que ma formation technique a été ma première défense et qu’avec ce programme, j’en ai développé d’autres, comme mettre au clair les conditions autour d’une date ou se protéger juridiquement. C’est aussi un énorme soutien de savoir qu’il y a maintenant autour de nous des interlocuteur·ices spécialisé·es dans ces questions à qui l’on sait que l’on peut faire appel en cas de doute ou de situation compliquée.
M : L’adhésion à l’accompagnement WB est la suite logique d’un parcours d’engagement construit pas à pas. J’avais déjà adhéré à “Peaches and Witches”, un collectif musical féministe à Bordeaux. Ayant fait le constat qu’il y avait peu d’endroits de rencontre pour les femmes musiciennes et des problématiques d’insécurité morale et/ou physique, transversales dans tous les milieux musicaux. Il y a souvent un manque de reconnaissance, de légitimité et une mise en concurrence entre les femmes, situations auxquelles j’ai été confrontée et dont j’ai été témoin pour d’autres musiciennes. Il y a aussi des témoignages qui m’ont beaucoup touché, par exemple dans l’enquête publiée par Music Too qui fait très bien état du constat difficile de violences dans nos réseaux. Il m’a paru nécessaire d’affirmer mon positionnement professionnel en m’inscrivant dans des réseaux de réflexion et de soutien qui contribuent à faire évoluer l’écosystème à travers ses codes, ses fonctionnements et ses pratiques.
"Je crois que ma formation technique a été ma première défense et qu'avec ce programme, j'en ai développé d'autres, comme mettre au clair les conditions autour d'une date ou se protéger juridiquement." - Alice
"Il y a souvent un manque de reconnaissance, de légitimité et une mise en concurrence entre les femmes, situations auxquelles j'ai été confrontée et dont j'ai été témoin pour d'autres musiciennes." - Mathilde
Est-ce que depuis l’accompagnement WomenBeats de nouvelles envies ont émergées ? Qu'avez-vous prévu après cet accompagnement ?
A & M : L’accompagnement nous a permis à la fois de continuer à construire le cœur de notre identité, mais aussi de mettre en perspective nos directions. Nous avons structuré notre avancée à travers de nombreux échanges avec différent·es professionnel·les, qui nous ont donné des outils pour développer nos créations et les diffuser.
Depuis la fin de l’accompagnement, nous travaillons le développement du live de cet été ainsi que la création, en soum-soum, de notre premier single. Nous projetons de l’enregistrer lors de notre résidence à Château Éphémère en octobre 2023. L’idée d’un clip est aussi en perspective…
Où vous voyez-vous dans 2 ans avec Soum-Soum ?
A & M : On s’imagine continuer d’explorer joyeusement notre univers et de l’ouvrir à des collaborations pluridisciplinaires. Nous avons déjà eu des expériences qui nous ont beaucoup enthousiasmé en ce sens, notamment en co-plateau avec des danseur·ses queer et des ami·es musicien·nes. On aimerait aussi collaborer avec d’autres artistes, aussi bien dans la composition de morceaux que dans l’invitation à prendre part à nos improvisations live. On s’imagine aussi présenter notre 1er album et idéalement élargir nos horizons en préparant des dates à l’export.
Crédits : Sixtine De Kerros
Quelles sont vos dates de concerts à Bordeaux et ailleurs ?
02/02/24 – Les Cuizines – Chelles – Warm-Up de la soirée Sous Haute Tension #3
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Passées :
30/09/23 – Krakatoa – Bordeaux – Première partie d’Atoem
18/08/23 – Festival ZECO – Finistère Sud
05/08/23 – Fête de Bourdeilles – Dordogne
27/06/23 – WomenBeats #7 à Petit Bain – Paris
17/06/23 – Madame Loyal – Bordeaux (scène l’Orangeade)