Inspirée des moments musicaux de Rachmaninov en traversant les harmonies mélancoliques de la musique classique, les pulsations enivrantes de la techno et la richesse sonore des musiques du bassin méditerranéen.
INTERVIEW LAURÉATES WOMENBEATS
OP.16, LAURÉATE WOMENBEATS 2024 : VOYAGEUSE PULSATRICE EN PROSODIE
par Charlotte De Kerros • 5 juillet 2024
OP.16 est lauréate de la 7ème édition du dispositif WomenBeats qui s’est tenu de mars à juin 2024. Nous avons interviewé Solène après l’accompagnement afin qu’elle nous raconte comment elle a été inspirée à la fois par la musique classique, les musiques du bassin méditerranéen et l’électronique.
Op.16 (opus 16), s’inspire des moments musicaux de Rachmaninov en traversant les harmonies mélancoliques de la musique classique, les pulsations enivrantes de la techno et la richesse sonore des musiques du bassin méditerranéen.
L’artiste multi-instrumentiste Solène Charpentier orchestre sur ses machines les instruments joués en live : le piano, le duduk et le chant. Un voyage sensoriel à travers un doux mélange des cultures de l’Arménie, la Grèce et la Turquie.
Illustration de couverture par Angelo Mucciante
Peux-tu nous raconter ton parcours artistique ?
J’ai commencé la musique à l’âge de 4 ans, dans une famille de musiciens et de mélomanes. Tout d’abord par le violon puis par le piano. À l’adolescence, j’ai compris qu’il me fallait quelque chose de plus que le répertoire classique du conservatoire, je me suis donc tournée vers les musiques actuelles. J’ai appris la guitare et le chant en autodidacte, reprenant des morceaux variés allant de la chanson française à la pop internationale, en passant par la folk et le jazz. J’ai commencé à m’enregistrer et créer mes premiers arrangements. J’ai quitté ma région natale pour venir étudier le jazz au conservatoire de Chambéry. J’y ai redécouvert la musique classique et l’accompagnement au piano, prenant plaisir à déchiffrer de nouvelles pièces et à accompagner des instrumentistes. Après avoir obtenu mes diplômes, j’ai poursuivi des études d’enseignement à Lyon, où j’ai décroché mon Diplôme d’État.
Parallèlement à mes études, j’ai continué à chanter et à interpréter un répertoire varié avec ma sœur en jouant dans les bars et restaurants, ce qui m’a permis de devenir intermittente. J’ai aussi rejoint un groupe de musique populaire grec, spécialisé dans le rebetiko, qui m’a grandement ouvert les yeux sur l’essence de la musique et de ce qu’elle pouvait m’apporter comme plaisir au quotidien. Au fil des ans, j’ai exploré diverses esthétiques musicales pour finalement créer mon premier projet solo : OP.16. Après avoir mûri dans ma tête pendant cinq ans, ce projet a marqué un tournant dans ma carrière en me permettant de composer ma propre musique pour la première fois.
Qu’est-ce qui t’a poussé à créer le projet OP.16 et depuis quand existe-t-il ?
OP.16 existe véritablement depuis septembre 2023, au moment où j’ai commencé à travailler avec un ami producteur qui m’a aidé à arranger et développer la qualité sonore de mes productions. Avec OP.16, j’avais envie de rassembler en un projet toutes mes inspirations, toutes ces musiques qui évoquent des émotions intenses, allant de la musique classique à la musique électronique en passant par les sonorités des musiques grecques, arméniennes, turques… J’avais aussi besoin de prendre une revanche sur ma pratique solo, sur toutes ces années à rester figée, pleine de doute devant mon piano lors de mes auditions au conservatoire. Avec OP.16, il y a cette volonté de prendre pleinement possession de la scène et de m’exprimer avec toute la liberté et l’énergie que j’ai longtemps désiré. C’est une opportunité pour moi de vivre et partager ma musique sans crainte de jugement, en transmettant les émotions intenses que la musique me procure.
Quelles influences musicales retrouve-t-on dans tes morceaux et que souhaites-tu transmettre avec celles-ci ?
Dans mes morceaux, on retrouve cette palette musicale que j’ai construite au fil des ans. Les influences de compositeurs romantiques tels que Chopin, Rachmaninov et Schumann, que j’ai beaucoup écoutés et joués au piano, y sont très présentes. Leur expressivité et leur richesse harmonique sont une source inépuisable pour moi. Il y a aussi une dimension plus électronique, inspirée par des artistes comme Laake, Worakls ou Joachim Pastor. J’aime ce côté percutant et dynamique qui donne envie d’exploser et de se défouler.
En ce qui concerne les musiques méditerranéennes, le rebetiko a beaucoup influencé mon travail. On y retrouve des gammes orientales caractéristiques, sans forcément utiliser les quarts de ton. Je m’inspire également des sonorités des instruments traditionnels tels que le duduk, le saz et le baglama grec, ainsi que de leur approche de l’improvisation.
Crédits : Sixtine De Kerros
Peux-tu nous en dire plus sur ton processus de création ?
Mon processus de création est assez variable et dépend beaucoup de l’inspiration du moment. Il n’y a pas de méthode unique pour moi : certains morceaux se composent rapidement, de manière fluide et directe, tandis que d’autres nécessitent beaucoup plus de temps et parfois des abandons temporaires d’idées lorsque rien ne vient.
En général, je commence souvent au piano, surtout lorsque je m’inspire de la musique classique pour une production. Parfois, je me laisse guider par l’improvisation au duduk ou par le chant, ajoutant progressivement des couches sonores. Chaque morceau a sa propre histoire et évolue selon ses propres dynamiques, sans lien direct avec les autres.
Pourquoi avoir postulé et qu’attendais-tu de cet accompagnement ?
J’ai postulé en étant consciente que je ne remplissais pas tous les critères de sélection, mais au fur et à mesure que je découvrais le programme, il m’est devenu évident que c’était l’opportunité idéale à ce moment précis de mon projet. J’attendais une confirmation que ma musique pouvait toucher et intéresser, car c’était la première fois que des personnes l’écoutaient. J’avais vraiment envie que l’on prenne le temps de comprendre mes motivations, de me questionner et de m’aider à me sentir légitime dans ma démarche de composition et de scène et de me pousser dans mes retranchements.
<h3 style= »text-align: center; »><em><strong> »J’avais vraiment envie que l’on prenne le temps de comprendre mes motivations, de me questionner et de m’aider à me sentir légitime dans ma démarche de composition et de scène et de me pousser dans mes retranchements. »</strong></em></h3>
Si tu devais citer 3 musiciennes qui t’ont le plus inspirées dans la création musicale, quelles seraient-elles ?
Il y en a pleins qui me viennent en tête mais si je devais n’en citer que 3, je dirais : Katia Buniatišvili pour sa fougue et son authenticité, Róza Eskenázy pour son influence et son minimalisme et pour finir Laurie Spiegel pour son côté avant-gardiste et éclectique.
Crédits : Sixtine De Kerros
En parallèle de l’accompagnement administratif, technique et artistique, WomenBeats prend en compte les problématiques rencontrées par les femmes et minorités de genre dans les professions artistiques. Quel était ton regard par rapport à ces sujets avant l’accompagnement ? As-tu déjà eu la sensation d’avoir été freiné par une de ces problématiques dans ta carrière ? L’accompagnement t’a-t-il été bénéfique sur certains de ces aspects ?
Avant de bénéficier de l’accompagnement, j’étais déjà consciente qu’il y avait un nombre bien inférieur de modèles féminins dans la musique et l’industrie artistique en général. Je savais aussi que beaucoup de femmes et de minorités de genre faisaient face à des questions délicates qu’il est souvent difficile d’aborder, surtout lorsque l’on travaille dans un milieu où la sensibilité aux enjeux de genre peut manquer. Je suis donc arrivée avec de nombreux questionnements, notamment liés au syndrome de l’imposteur et au perfectionnisme. Avec aussi le sentiment qu’il fallait dépasser les attentes habituelles en tant que femmes afin de se faire remarquer et se distinguer.
L’accompagnement m’a été très bénéfique pour aborder ces aspects. Il m’a permis de mieux comprendre et de gérer ces problématiques, en offrant un soutien précieux pour naviguer dans les défis liés au genre et à la carrière artistique.
Qu’est-ce que tu aimerais développer pour la suite de ton projet ? (Sorties musicales, évolution du live, collaborations, résidences, concerts…)
Pour OP.16, j’ai cette envie de proposer un live qui marque le public, qu’il soit apprécié ou pas. De penser visuellement et musicalement quelque chose d’innovant, de mélanger les atmosphères. Il y aura aussi la sortie de mon premier EP, qui arrivera courant 2025. J’ai la chance d’être accompagné par la SMAC du Brise Glace à Annecy sur plusieurs résidences et temps de travail en studio.
Où te vois-tu dans 2 ans avec OP.16 ?
J’espère dans de belles salles, de beaux festivals, qu’ils soient grands ou petits. Je me vois entourée d’une équipe de personnes de confiance, capables de m’accompagner, de me guider et de me soutenir tout au long de cette aventure de fou !