Les origines de Machka se situent dans le métissage. Celui des langues, par mon héritage cosmopolite, mais aussi des atmosphères lumineuses et ténébreuses, planantes et dansantes à la fois, des textures organiques, mais aussi digitales. « Textura », en latin, signifie d’ailleurs une « chose tissée ».
INTERVIEW LAURÉATES WOMENBEATS
MACHKA, LAURÉATE WOMENBEATS 2023 : GLOBE-TROTTEUSE DE L'ONIRISME
par Charlotte De Kerros • mis à jour : 28 décembre 2023
Machka est lauréate de la 5ème édition du dispositif WomenBeats qui s’est tenu de mars à juin 2023. Dans le cadre d’une interview de fin d’accompagnement, nous lui avons demandé de nous raconter son voyage à travers la musique et son pseudonyme Machka.
Illustration de couverture par Angelo Mucciante
Peux-tu nous raconter les origines de ton projet Machka et ce qu’il signifie pour toi aujourd’hui ?
Les origines de Machka se situent dans le métissage. Celui des langues, par mon héritage cosmopolite, mais aussi des atmosphères lumineuses et ténébreuses, planantes et dansantes à la fois, des textures organiques, mais aussi digitales. « Textura », en latin, signifie d’ailleurs une « chose tissée ».
Pourquoi avoir postulé et qu’attendais-tu du programme WomenBeats ?
Par un élan, une envie née de la communication et description générale du programme et sans doute aussi des interviews que j’avais pu lire d’anciennes lauréates sur le site. Pour un besoin d’entourage à dimension humaine au moment de la sortie de mon premier EP aussi ; avec l’envie d’être accompagnée sur des questions assez décisives pour mon projet, sur son aspect hybride et protéiforme (club/concert, DJ sets/live) notamment.
Crédits : Nicolas Salloum
Comme tu le sais, en marge de l’accompagnement artistique, le dispositif prend en compte les problématiques rencontrées par les femmes et minorités de genre dans la musique. Quel était ton regard par rapport à tout ça avant l’accompagnement, avais-tu conscience de ces freins ? As-tu déjà vécu une ou des expérience(s) qui t’ont freiné dans ta carrière ?
Disons qu’il y a des vécus qui sont difficiles à accepter pour soi-même et qui tombent dans l’oubli, d’autres contés par d’autres sur lesquels il est difficile de faire du déni. Mon regard était donc dans le « faire avec » et « faire avec les blessures qui en découlent ». À travers l’accompagnement, j’ai particulièrement ressenti la liberté de partage, d’échange et d’écoute bienveillante sur ces sujets délicats, ça a fait du bien.
La question du « frein » à la carrière, je l’ai nettement vécu avec une expérience particulièrement violente, mais je ne le vois pas comme un frein – juste que ce n’était pas le bon chemin, car je n’ai aucune envie de travailler dans quelque forme d’abus de pouvoir, de chantage, de dépendance ou autre. Mais la perte de confiance – concomitante à l’affirmation de sa création musicale – était inévitable, et c’est vraiment par la sororité, la parole et l’écoute que ces blessures ont pu petit à petit guérir pour moi. D’où le poids positif de ce type d’accompagnement que propose WomenBeats !
« Mon regard était donc dans le ‘faire avec’ et ‘faire avec les blessures qui en découlent’. À travers l’accompagnement, j’ai particulièrement ressenti la liberté de partage, d’échange et d’écoute bienveillante sur ces sujets délicats, ça a fait du
bien. »
Comment t’es-tu formée à la musique acoustique et électronique et comment composes-tu ?
D’une part, j’ai étudié le piano classique au conservatoire depuis petite jusqu’au diplôme. Ensuite, j’ai exploré la flûte traversière à côté, par des cours particuliers, puis pour le reste, de manière autodidacte, à bidouiller dans mon coin sur les plages de mes nuits blanches. C’était aussi une manière de couper avec la pression du conservatoire et des études que je faisais. Comment je compose ? Dans l’ordre : en écoutant le monde autour de moi – des chants d’oiseaux à la résonance d’une bouche d’égout – et puis la musique qu’il contient déjà. Ensuite en improvisant par boucles – parfois à partir du piano, de synthés, du chant, de la flûte traversière ou de rythmiques. Et enfin, en composant à proprement parler, en travaillant les structures, arrangements et sound-design : en organisant et fixant la matière sonore dans le temps somme toute. J’accorde aussi beaucoup d’importance aux lieux dans lesquels je compose, aux espaces et à leurs ambiances, et je compose beaucoup lorsque je voyage !
Si tu devais citer 3 femmes musiciennes qui t’ont le plus inspirée dans la création, quelles seraient-elles ?
La question est un peu délicate à mon sens, car je distingue les inspirations musicales (qui peuvent n’être qu’un seul morceau, une mélodie) et les personnalités inspirantes (notamment des rencontres et des manières de voir la vie). Donc, je citerai trois femmes avec lesquelles j’ai déjà pu échanger et qui m’inspirent sur ces deux plans : Martha Argerich (pour la fougue dans le milieu des musiques classiques), Hélène Vogelsinger (pour la poésie et la spiritualité) et HSRS (pour la liberté et la ténacité). Après sur le plan simplement musical, je dirais plutôt Sevdaliza, Arca et Aïsha Devi.
Crédits : Sixtine De Kerros
Quelles sont les différentes influences que l’on retrouve dans ton EP « L’Aigle et le Serpent », sorti en juin dernier ?
Je vais jouer sur le mot « influences » mais d’abord la montagne, l’eau et les rêves ! Ensuite, j’ai été traversé d’un côté des influences ambient/idm à la Boards Of Canada, Clark, Plaid et un versant plus drum’n’bass à la DJrum ou Skee mask ; même si le morceau Gold Day rend hommage à mon amour pour les orgues psyché-fusion des 80’s !
Tu as commencé à être visible sur la scène locale en tant que DJ avant de présenter ton live. Que t’a apporté cette autre casquette ? T’a-t-elle aidé dans le développement de ton projet live ? Est-ce que cette activité a aussi pu être un frein pour t’assumer en tant que créatrice et performeuse ?
C’est plutôt l’inverse qui s’est produit, car j’ai commencé à évoluer sur la scène parisienne avec le live. Mes premières dates sur Paris étaient aux Nautes puis à la Java la même semaine, puis j’ai enchaîné sur un bel été de concerts. C’est par la suite que Luis, le programmateur de Rinse France m’a proposé une résidence sur la radio et que les choses se sont joliment enchaînées du côté du DJ set. De belles expériences et opportunités qui m’ont en un sens « flouté » dans mon identité créatrice aux yeux des professionnel.les de la musique. Pour moi, ce sont deux activités complémentaires qui m’ont aidé notamment pour devenir intermittente du spectacle. Aussi, en termes de connaissance du milieu des musiques électroniques et particulièrement de la “club culture”. Ceci dit, les compositions de Machka dépassent ce cadre et cette casquette de « DJ » m’a finalement apporté autant de liberté qu’elle m’a rangée dans une case…
Que prépares-tu pour la suite ? As-tu de nouveaux rêves, projets et/ou objectifs ?
Je prépare un nouvel EP qui j’espère sortira en 2024, un nouveau concert et quelques projets audiovisuels avec des vidéastes, DA et créateurs textiles – de toute façon, plus j’irai vers la transdisciplinarité, plus je rêverai !
Crédits : Sixtine De Kerros