VOYAGE MUSICAL AU BURKINA FASO

par Adrien Lepape • le 08.09.2022
illustration : Marion Mucciante

Bien qu’elle soit l’une des moins reconnue d’Afrique de l’ouest, la scène musicale burkinabè regorge de talents aux inspirations diverses. Petit tour d’horizon de la musique contemporaine du Burkina Faso.

À Ouagadougou, mais surtout à Bobo-Dioulasso, capitale culturelle du pays jusqu’au début des années 1980, les deux premières décennies d’indépendance voient la naissance d’artistes et groupes novateurs. Ceux-ci font fusionner les musiques traditionnelles, en particulier la musique dioula (musique traditionnelle de Bobo-Dioulasso), avec les rythmes afro-cubains, le funk, la variété française ou encore la rumba congolaise et créent le courant dit « Voltaïque ».

Des groupes comme l’Harmonie Voltaïque, le Volta Jazz ou des artistes tels que Amadou Ballaké, Pierre Sandwidi ou encore George Ouédraogo s’imposent lors de cette période d’euphorie créatrice.

Malgré l’enclavement du pays et la difficulté des artistes à enregistrer et à diffuser des disques, c’est toute une génération qui œuvre à l’instauration d’une des scènes musicales les plus fortes du continent et comparable en qualité aux musiques du Mali et de Côte d’Ivoire.

Les années 90 marquent une étape importante dans la musique contemporaine burkinabè avec l’arrivée de nouveaux styles musicaux tels que l’afrozouk, le soukouss (style musical dérivé de la rumba congolaise qui allie de longues exécutions instrumentales et des prestations de guitare improvisées) ou encore le reggae. Ce dernier a connu une forte notoriété grâce au chanteur Black So Man qui s’en servait pour dénoncer le régime politique en place.

La musique mandingue tient aussi une place importante dans l’inspiration de beaucoup d’artistes de cette période et explique l’utilisation d’instruments traditionnels d’Afrique de l’ouest tels que la kora (instrument à cordes), le djembé (percussions) ou le balafon (xylophone traditionnel). Cette musique est répandue en Afrique de l’ouest par les Griots (Bardes d’Afrique de l’ouest) qui perpétuent la tradition de leurs ancêtres, chantent de génération en génération les louanges des cours royales et des familles nobles de l’ancien empire mandingue ou empire du Mali. Ils appelaient à la sagesse, à la raison, et aux règles fondatrices des valeurs de leur société. Ils jouaient aussi un rôle de porte-parole entre le peuple et les gouvernants, usant du charme de leur musique et de leur verbe pour faire savoir ce qui est difficile à dire.

Depuis les années 1970, certains musiciens ont introduit des instruments occidentaux pour populariser et actualiser cette musique en milieu urbain et ont ainsi contribué à la faire connaitre au-delà de ses frontières.

Crédit: RS -foto

À partir des années 2000 la scène musicale au Burkina devient de plus en plus éclectique avec l’apparition du coupé-décalé, un genre musical avec des rythmes toniques inspirés des percussions ivoiriennes et congolaises, agrémentés de paroles joyeuses, du rap ou d’autres genres s’inspirants de variétés traditionnelles.

Le rap commence à se faire une place sur l’échiquier musical du pays en 2002. Des concours naissent de partout et parmi ces compétitions, le plus crédible et le plus médiatisé était le Hip-Hop All Star initié par le promoteur Gérald Koala.

De nombreux groupes germèrent et enregistrèrent des opus tels que Dmf, Negramers, Pirattack, Black Marabouts, 3e Régiment ou encore Nb Babs. Si l’on doit citer un groupe majeur du rap burkinabè c’est bien Faso Kombat qui a largement contribué à démocratiser le rap à Ouagadougou. Le tandem fait des merveilles dans un style hip-hop inspiré de rythmes traditionnels qu’ils interprètent aussi bien français qu’en langue mooré.

Malgré tout le mouvement connaît depuis une dizaine d’années, un ralentissement considérable dû à plusieurs facteurs. Les pionniers ont jeté l’éponge pour vaquer à des activités plus lucratives. Pour la plupart, élèves et étudiants à l’époque, après leurs études, se sont lancés dans la vie active. Bien que le rap ait développé une sorte de cohésion en son sein grâce à l’organisation d’un staff où les managers jouaient un grand rôle, le mouvement s’est plus tard estompé.

Près de 20 ans après l’éclosion du rap au Burkina, le constat de nos jours est que d’autres genres musicaux, dont le coupé-décalé, ont contribué à la baisse de l’euphorie d’antan.

Néanmoins, les rappeurs ne baissent pas les bras et continuent à mettre sur le marché des albums de qualité.

Crédit: Florent Mazzoleni

L’autre mouvement musical majeur du début du 21ème siècle au Burkina Faso est le coupé-décalé. Initié par la diaspora ivoirienne, il serait né dans les boîtes de nuit à Paris et à Londres. Ses caractéristiques sont des rythmes toniques inspirés des percussions ivoiriennes et congolaises, des pas de danse par dizaines, des paroles joyeuses et positives.

Le mouvement a été importé au Burkina Faso par les médias et les flux migratoires. Il a été porté dans un premier temps par les As DJ en 2004 à travers le tube « Tango-Tango ». Le coupé-décalé reste un des styles musicaux les plus écouté en Afrique de l’Ouest et le Burkina n’échappe pas à cette tendance grâce à des artistes comme Pastore N27, Imilo Le Chanceux ou encore Sofiano.

On notera que ce mouvement laisse la part belle aux femmes. Ainsi une série de burkinabè s’émancipent musicalement avec le coupé-décalé. Parmi elles on retrouvera des artistes comme Bélissa, Béki, Oumou Zangoli ou encore Dalia.

Enfin l’Afro Pop est l’autre grand mouvement musical présent au Burkina Faso. Ce courant se caractérise par un mélange entre la musique Pop américaine et la musique Africaine. Le terme ne se réfère pas à un style ou à un son musical spécifique, mais il est utilisé comme un terme général pour désigner la musique populaire africaine. Celle-ci est vaste et variée et est influencée par la musique populaire occidentale. Bon nombre d’artistes émergent de ce style musical tels que Kandy Guira, Wendpanga ou Moïse Ouattara.

Crédit: Daniel Fine Photographies

Victor Démé, artiste ayant une grande notoriété au Burkina Faso contribue quant à lui à un certain renouveau d’une variété plus traditionnelle qui s’étendra même hors du continent. Son titre Djôn’maya sera d’ailleurs remixé par le duo éléctro Synapson en 2014.

Enfin Floby, véritable star dans son pays, s’impose comme l’un des plus grands artistes burkinabè de sa génération avec une musique traditionnelle qui s’inspire du terroir Mossi (groupe ethnique burkinabè) et de sonorités plus modernes. Surnommé le « King Zodanga » il est l’artiste le plus vendu et ayant reçu le plus de prix au Burkina.

 

Grâce à ces artistes et d’autres jeunes talents, la scène musicale burkinabè est en plein essor et est en train de s’imposer comme une place forte de la musique en Afrique et à l’international.

Le futur de la culture musicale du Burkina Faso s’annonce radieux et nous fera surement découvrir de nouvelles pépites, du moins c’est ce que lui souhaite.

 

Sources : Burkina Faso musiques modernes voltaïques, musicinafrica.net, wikipédia, burkina24.net, infoculturedufaso.net.